Maurice Kamto
Maurice Kamto, président national du MRC, en cellule depuis janvier 2019 / ©Archives

Lors de son message à la nation le 10 septembre dernier, Paul Biya a soigneusement évité de faire allusion aux principaux acteurs de la crise postélectorale que sont Maurice Kamto, ses sympathisants  et ses alliés. Une posture quelque peu incompréhensible dans la mesure où la crise sociopolitique profonde que vit le Cameroun depuis quelques années ne saurait se limiter seulement à la crise anglophone. Faut-il en conclure que Kamto et Cie sont d’office exclus du dialogue national ?

Le chef de l’Etat s’est certes adressé à la nation, mais quel a été le message perçu par les Camerounais et l’opinion internationale ?  Le dialogue tant réclamé sera sans doute effectif dès la fin du mois ; mais il n’y a pas eu dans ce discours de mots forts, capables de donner un grand coup d’apaisement à ceux qui font pression, qui revendiquent ou qui résistent. On n’a pas senti une volonté profonde de mettre rapidement un terme définitif au climat tendu qui règne.

Après des centaines de milliers de morts et de déplacés dans le NOSO, se peut-il que le régime en soit encore à ignorer que le principal problème des anglophones c’est la forme de l’Etat, et non de simples réformes du système judiciaire ou éducatif ? Le mouvement sécessionniste ne s’est nourri que des frustrations nées des négociations mal ficelées depuis les revendications corporatistes de 2016. Les anglophones en général souhaitent un retour aux accords de 1961, avec ce qu’ils comportent comme ingrédients sur le fédéralisme. Saurait-on donc mener un dialogue national sérieux et aspirer à ramener la paix et la sérénité, tout en ignorant des détails aussi importants ?

Par ailleurs, si les projecteurs à l’international se sont braqués sur le Cameroun de façon plus sérieuse, c’est grâce à la crise postélectorale de la présidentielle du 07 octobre 2018, et surtout aux initiatives de dénonciation et de résistance menées par le MRC et ses alliés. Un adversaire politique de la taille de Kamto et Cie serait visiblement exclu d’un dialogue censé réconcilié tout le monde. Comment est-ce possible ?

L’exclusion semble aller de soi dans la mesure où le dialogue débutera à la fin du mois de septembre, alors que le procès de Kamto et Cie est renvoyé au 08 octobre. Sauf si par erreur, le président de la République a omis d’indiquer que les prisonniers politiques, loin d’être écartés, prendront congés de leur détention, ne serait-ce que les jours et heures des assises nationales, afin d’apporter leurs contributions avant de rejoindre leurs « bien-aimées » cellules.

Somme toute, le dialogue national est le bienvenu, du moins si l’on s’en tient aux salves d’applaudissements entendues ici et ailleurs. Mais son mérite ne viendra jamais de son existence seule, mais également de sa capacité à résoudre en profondeur la crise qui mine le Cameroun. Un dialogue qui ne sera pas un remake de la tripartite issue des années de braise d’il y a près de 30 ans ; laquelle tripartite, aux dires d’Haman Mana,  avait simplement permis au régime de « gagner du temps, se remettre en selle et repartir ».